UN AUTRE MOUVEMENT
Des images du spectacle vivant au vivant des images, le réalisateur et artiste vidéaste Karim Zeriahen semble avoir trouvé le chemin le plus court. Depuis le début des années 90, où il embarque sur la tournée Sud-Américaine du Cargo avec Philippe Decouflé, il met en mouvement l'art de la scène, la danse contemporaine le plus souvent. Karim Zeriahen entame un compagnonnage fructueux avec Mathilde Monnier installée à Montpellier. Stop, Videlilah ou Le Jour de nuit, courts films adaptées de créations de la chorégraphe puis La place du singe, captation d'un duo vivifiant où Mathilde Monnier y donne la réplique à l'écrivaine Christine Angot sont les témoins de ces échanges. À chaque fois la caméra de Karim Zeriahen investit ses territoires en mouvement, une gestuelle non pas figée mais magnifiée. Le chorégraphe Herman Diephuis rejoint bien vite cette galerie de portraits dansants. On aura vu également des documentaires qui d'Albert Maysles à Hubert de Givenchy, de Joe Dalessandro à Paul Morrissey, imposent la signature de Karim Zeriahen. Une manière de filmer à la gestuelle assurée.
Aujourd'hui, le réalisateur s'attache dans un projet nouveau à « aller chercher au-delà des traits physiques dans les infimes mouvements du langage du corps ». Soit une collection de portraits filmés comme autant de pièces uniques qui ne sont pas sans rappeler la tradition des portraits de maîtres ou de commande. Ces tableaux vivants voient les modèles poser devant la caméra de Karim Zeriahen pendant un temps donné quasiment immobiles laissant apparaître d'infimes traces de respiration, de battements de cils, de mouvements d'yeux. Filmés puis retransmis en boucle sur un écran plat doté d'une carte mémoire. Avec cette collection en train de se constituer, Karim Zeriahen s'interroge, à sa façon documentaire autant que plasticienne, sur ce monde virtuel abreuvé d'images. En prenant le temps de la pause, et ses modèles avec lui, il questionne notre regard.
À vue d'œil.
Philippe Noisette